par Désirée Szucsany
Devant les sculptures flottantes, je pense au phénomène cubain que Fernando Ortiz nommait la transculture.
Quel mot!
Il exprime les phases de transition d’une culture à une autre par opposition à acculturation, mot anglais à saveur colonialiste, désignant l’adoption d'une culture. Transculture implique la perte des racines et la création de nouvelles boutures. Le produit final? Des phénomènes culturels sous la bannière de la néoculture.
Il exprime les phases de transition d’une culture à une autre par opposition à acculturation, mot anglais à saveur colonialiste, désignant l’adoption d'une culture. Transculture implique la perte des racines et la création de nouvelles boutures. Le produit final? Des phénomènes culturels sous la bannière de la néoculture.
L’ouvrage rassemble des textes sur les sujets liés à ce concept vieux comme les trottoirs. L’eau rase des villes entières? Il faudra oublier l’ancien modèle et inventer du nouveau. Oui, il faut s’adapter, le monde change vite et, malgré la stabilité des oeuvres, leur ancrage ingénieux, les arrimages sont précaires. La guerre vous déporte en d’autres terres? Dès que vous serez reposé, vous planterez une plante jamais vue en ces contrées, tiens, du basilic, par exemple. Vos voisins y goûteront, surprise! Ils l’adopteront et le mélangeront à la poutine. Un anthropologue notera ce changement.
Pas seulement à Cuba
Ortiz était conscient de la limite scientifique. Certes, l’anthropologue doit dresser un rapport. La science se renouvelle à condition d’y verser un concept et il décida d’agir, précisa les étapes du phénomène et innova le mot transculture. En inventant, on a plus de chance d’accéder au monde. Ou au Nouveau Monde? C’est l’impression que donnait la revue ViceVersa. Le livre est un scellé apposé sur cette époque. La transculture et ViceVersa, réunit des textes et des réflexions d’historiens, cinéastes, poètes, illustrateurs, graphistes et autres créateurs de la distinguée revue (1). Les Dialogues croisés sont particulièrement vifs. L’épopée du photographe Duclos, la vision de Daigle et des autres interlocuteurs «derrière l’image», sont de piquants ajouts, des secrets percés. La qualité des images dans ViceVersa réjouissait l’esprit et il est passionnant que les artistes eux-mêmes nous apprennent pourquoi nous aimions la revue, infante de la première génération, désormais défunte.
(1) Caccia 2010, Bruno Ramirez et Lamberto Tassinari, La transculture et ViceVersa, Éd. Triptyque, 218 p.
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